
Gillot
Claude
Étude de quatre figures de théâtre
Plume et encre noire, lavis de sanguine et lavis gris.
Inscrit Gillo en bas au centre.
117 x 191 mm
Provenance
Léon Voillemot, Paris (Lugt 789d) ; Galerie Terradès, 2003 ; Galerie Colnaghi-Katrin Bellinger, 2007-2008 ; collection privée.
Originaire de Langres et apparenté à plusieurs familles d’artistes de sa ville natale, comme les Tassel et les Lenoir, Claude est formé dans l’atelier de son père Jean Gillot, peintre et brodeur. Autour de 1691-1693, il est à Paris, dans l’atelier de Jean-Baptiste Corneille, où il apprend la gravure et le dessin. Il ouvre rapidement son propre atelier où passeront plusieurs artistes, les plus célèbres étant Watteau et Nicolas Lancret. Agréé à l’Académie royale en juillet 1710 avec Don Quichotte, il y est reçu en avril 1717 avec un tableau religieux représentant Le Christ dans le temps qu’il va être attaché à la croix (Noailles, Notre-Dame de l’Assomption). Malgré cette admission Gillot demeure principalement dessinateur et graveur et ne réalisera que peu de peintures d’histoire, dont la plupart sont aujourd’hui perdues (par exemple Le Trépassement de la Vierge). Peu de ses œuvres peintes nous sont parvenues et la plupart sont des scènes de comédies ; ainsi Les deux carrosses et Le tombeau de maître Albert1au musée du Louvre et Arlequin Empereur dans la Lune au musée des Beaux-Arts de Nantes.
En réalité, c’est pour la création d’un genre inédit que Gillot sera célébré, celui de la scène de la Comédie italienne, qui suffirait, selon Émile Dacier, à lui assurer « une place de premier rang parmi les pères de notre art du XVIIIe siècle »2. Mariette dit aussi, à propos du Triomphe d’Arlequin Dieu Pan : « c’est l’un des premiers tableaux faits dans ce style, et qui ayant trouvé une infinité d’approbateurs, a donné naissance à tant d’autres qui sont faits depuis dans le même genre par Watteau etc3». Chargé de la conduite des décorations, machines et habits de l’opéra, toujours selon Mariette, il est l’auteur d’une suite d’études de costumes, Desseins d’habillemens à l’usage des ballets, opéras et comédies en une suite de 85 planches gravées par Joullain4. C’est donc majoritairement par des dessins et des gravures que nous est aujourd’hui connu l’art de Claude Gillot, particulièrement lié au théâtre italien, spectacle de plein-air qui repose sur l’oral et l’improvisation à partir de personnages stéréotypés, et l’expression corporelle plus que sur le texte. C’est en 1680 que les comédiens italiens, en France depuis que Marie de Médicis les y avait appelé, furent installés à l’hôtel de Bourgogne. Chassés en 1697 pour avoir raillé madame de Maintenon, ils revinrent sous la Régence ; le genre de ce théâtre fit cependant souche et leurs scenari, qui avaient finalement été transcrits à l’écrit entre 1694 et 1700 par Evaristo Gherardi, Le Théâtre italien ou Recueil de toutes les scènes françaises qui ont été jouées sur le théâtre italien de l’hôtel de Bourgogne, furent repris, réinterprétés et adaptés à l’envi dans les foires Saint-Germain et Saint-Laurent. De nombreux scenari nous demeurent inconnus, ce qui explique que les sujets de beaucoup d’œuvres de Gillot ne sont pas précisément identifiés.
La mise en page de ce dessin est typique de Claude Gillot, qui a produit en quantité ce genre d‘études de costumes, « figures de théâtre » ou « figures de caractère pour le théâtre » comme on les trouve dénommées dans les ventes du XVIIIe siècle. Il les décline parfois en des versions très semblables les unes des autres et réutilise les silhouettes pour certains portraits gravés d’acteurs dans leurs costumes de scène5. Le graveur François Joullain possédait treize de ces dessins « composés chacun de quatre figures de caractère pour le théâtre […] à la plume et coloriés par Gillot. Peut-être cette étude lui appartenait-elle également à moins qu’elle n’ait fait partie des vingt-huit « figures de théâtre d’une plume fine et spirituelle, d’un effet piquant et lavées pour la plupart à la sanguine » de Gabriel Huquier (vente du 9 novembre 1772) ou des cinquante-huit du collectionneur dénommé Pigache (vente du 21 octobre 1776). Notre feuille mêle du lavis gris au lavis de sanguine, ce qui est assez rare.
Aujourd’hui plusieurs de ces feuilles sont connues et réparties dans différentes collections publiques et privées. Certains dessins de Gillot étaient regroupés dans des albums, à l’exemple de celui paru en 2004 sur le marché de l’art, publié par Jennifer Tonkovitch6 et qui comprend plusieurs feuilles proches de la nôtre parmi d’autres compositions très différentes.
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Parfois appelé Arlequin soldat gourmand à cause de la lettre de la gravure éditée plus tardivement par l’éditeur Vanheck.
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E. Dacier, « Gillot, 1673 à 1722 » dans L. Dimier, Les peintres français du XVIIIe siècle, tome I, Bruxelles-Paris, 1928, p. 200.
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P. de Chennevières et A. de Montaiglon, Abecedario de P. J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, Paris 1853-1862, T. 2, p. 306-307.
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Idem.
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Par exemple, Fabio de la comédie italienne dans son habit de médecin (gravure, Washington, National Gallery) et La Torillière le père dans son habit de valet espagnol jouant dans la comédie du Grondeur (gravure, Washington, National Gallery), provenant tous deux d’une étude de Quatre acteurs de la commedia dell’arte de la collection Jean Bonna.
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Jennifer Tonkovitch, “A New Album of the Theatre Drawings by Claude Gillot”, dans Master Drawings, volume XLIV, n° 4/2006, p. 464-486.