
Caresme
Jacques-Philippe
Une Bacchanale
Gouache sur papier contrecollé sur carton.
Signé et daté Ph Caresme 1769 au centre à droite.
231 x 356 mm (9 1/16 x 14 in.)
Provenance
Paris, Hôtel Drouot, 3 mars 1987, lot 4 ; Paris, Hôtel Drouot, 29 novembre 1985, lot 21 ; collection privée.
Fils de l’amateur Claude-François Caresme, lui-même dessinateur et conseiller de l’Académie royale de peinture et de sculpture, et de Françoise Aimée Coypel, il est donc le petit-fils de Noël Coypel. Il étudie avec son cousin Charles Antoine Coypel, premier peintre du roi. Il gagne plusieurs médailles à l’académie et concourt au grand prix trois fois mais n’obtient qu’un second prix en 1761 avec son tableau de Judith et Holopherne. Il n’ira donc pas à Rome, mais agréé à l’Académie en 1766 avec son Saint Louis recevant la couronne d’épines, il expose au Salon dès l’année suivante et reçoit plusieurs commandes importantes notamment trois œuvres faisant partie d’un cycle sur la vie de la Vierge auquel participent aussi Nicolas-Guy Brenet et Jean Bardin pour la cathédrale de Bayonne. Caresme peint le tableau pour le chœur de la cathédrale. Il reçoit aussi commande de tableaux mythologiques traitant de sujets ovidiens pour le petit Trianon à Versailles en 1772 : Myrrha métamorphosée en arbuste et Menthe changée en plante.
Impliqué dans un scandale que la correspondance entre Jean Baptiste Marie Pierre et le comte d’Angiviller mentionne sans expliciter, il est exclu de l’Académie en 1778. Celui qui signait avec fierté « peintre du roi » est donc isolé et reprend ce qu’il avait en fait toujours fait, parallèlement à ses ouvrages de peinture, l’illustration. Dès ses débuts en effet, Caresme s’était consacré à l’illustration d’ouvrages, notamment pour les milieux jansénistes contre les Jésuites. De façon étonnante, il réalise au même moment, c’est-à-dire au début des années 1760, ses premiers dessins dits « coloriés », c’est-à-dire à la gouache ou au pastel, de sujets érotiques et de bacchanales, sujets qui seront très largement diffusés par les graveurs Flippart, Janinet etc. Ces œuvres à la gouache, à mi-chemin entre le dessin et la peinture, sont alors particulièrement en vogue dans le milieu des amateurs d’art.
Caresme ne peindra plus après son exclusion mais produira en grand nombre ce genre d’œuvres dites licencieuses, principalement des bacchanales et des scènes de taverne. Plus suggestives que véritablement pornographiques, les œuvres qui nous sont parvenues – mais beaucoup ont pu être détruites, ce qui était le cas des œuvres véritablement pornographiques jugées obscènes – témoignent d’un art d’assemblage selon l’expression utilisée par Marie Fournier1 : l’artiste réemploie les mêmes figures et les mêmes accessoires à l’envi, variant simplement les positions. Ainsi notre bacchante, bizarrement allongée sur une peau de panthère, les bras tendus accrochés à un flacon de vin, rappelle dans l’autre sens et moins vêtue encore celle d’une Bacchanale autrefois dans la collection George Bourgarel2 qui agrippe quant à elle le dos d’un satyre. Cette distorsion d’un corps qui se situe entre masculin et féminin a quelque chose de transgressif en soi, comme sont blasphématoires les amours ailés tenant une corbeille de fruits et un thyrse, symbole d’hédonisme et de fertilité ; l’artiste détourne le motif chrétien des angelots tenant des palmes ou des couronnes de martyres.
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Marie Fournier, « Jacques Philippe Caresme (1734- 1796), dessinateur licencieux ? », Douzièmes rencontres internationales du salon du dessin, Paris, 22-25 mars 2017, publié en décembre 2017, p. 57.
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Signée et datée 1765, cette gouache a été exposée dans Les petits maîtres du XVIIIe siècle, Paris, 1920, n° 174. Elle apparait dans la vente des dessins de Georges Bourgarel le 15-16 juin 1922, lot 20. Elle passe ensuite dans la collection René Kieffer et sa vente à l’Hôtel Georges V, 29 mai 1969, lot 6.