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Bacler d’Albe

Louis Albert Guislain

Saint-Pol-sur-Ternoise 1761 — Sèvres 1824

Le cortège de Silène dans un paysage antique

Crayon et gouache.
Traits d’encadrement à la gouache noire sur tout le contour.
Signé et daté Ber D’albe / 1803 sur le rocher au centre.
510 x 690 mm (20 116 x 27 316 in.)

Avant d’entreprendre la carrière militaire qui le rendra célèbre, Bacler d’Albe travaille comme commis de son père directeur des postes à Amiens, puis choisit de suivre sa vocation artistique. Entre 1785 et 1793 il s’installe à Sallanches, près du Mont-Blanc, une région qui commence à connaître le tourisme avec les alpinistes Jacques Balmat et Michel Gabriel Paccard. Ses vues des sites naturels spectaculaires de cette région connaissent un grand succès. Il y vit avec sa jeune compagne, qu’il n’épousera qu’en 1808, et leurs cinq enfants.

En 1793, il s’engage pour défendre la République. Il se distingue comme officier géographe et dessinateur aux sièges de Lyon et de Toulon où il rencontre peut-être Bonaparte, capitaine d’artillerie également. Affecté dans l’armée d’Italie (1794-1797), il occupe la fonction de géographe et cartographe officiel et l’exactitude de ses dessins de machines et de plans le fait remarquer de Bonaparte. Celui-ci le charge de lever les plans de la côte de Nice jusqu’à Savone et de travailler à populariser ses victoires en peintures et en dessin ce qui signe le début d’une longue carrière au service de l’empereur. Plusieurs de ses scènes de batailles sont conservées au musée du Château de Versailles (dépôts du Louvre), dont la grande Bataille d’Arcole, 17 novembre 1796 (INV 2397), Napoléon visitant les bivouacs de l’armée française à la veille de la bataille d’Austerlitz, 1er décembre 1805 (INV 2399) et Bataille de Rivoli, 14 janvier 1797 (INV 2398). Il exécute la Carte du Théâtre des campagnes de Bonaparte en Italie, première carte complète de l’Italie (1797- 1802).

En 1799, il entre à nouveau au service de Bonaparte, comme chef des ingénieurs du Dépôt de la guerre (bureau de cartographie et d’archives à intérêt militaire créé par Louvois), puis chef du bureau topographique de l’empereur. Il appartient, avec le maréchal Berthier, au cercle le plus intime de Napoléon et l’accompagne partout en temps de paix comme en campagne. Durant les campagnes : « il couchait dans sa tente avec son matériel et préparait les cartes qu’il avait lui-même coloriées, marquait avec des épingles de couleur les positions des corps d’armée, calculait les distances au compas, figurait les reliefs du terrain pour les plans de manœuvres de l’Empereur, conseillait sur les moyens d’attaque … » Il apporte à l’empereur l’éclairage topographique nécessaire pour prendre des décisions stratégiques, planifier les marches des troupes, calculer les tirs etc. Promu colonel en 1807, général de brigade en 1813, il est fait baron d’empire en 1808. Il exécute alors la Carte de l’Empereur, première carte homogène de l’Europe. Directeur du Dépôt de la guerre en 1814-1815, il sauve du pillage les cuivres de la carte de Cassini. Malgré son lourd travail de cartographe, Bacler d’Albe demeure un peintre très actif, particulièrement de batailles et de paysages, genre auquel il apporte sa précision topographique. Pendant la Restauration, il se retire à Sèvres où il vit comme lithographe et dessinateur.

Alors qu’il réalise cette œuvre spectaculaire par sa taille et par sa qualité d’exécution, Bacler d’Albe est à Paris, chef des ingénieurs du Dépôt de la guerre. Il participe cependant régulièrement au Salon en ce début de siècle, montrant ce que l’on appelle des « tableaux à gouache », c’est-à-dire des gouaches de grandes tailles, destinées à être luxueusement encadrées et placées sur les murs, et particulièrement des paysages d’Italie ou des Alpes et des batailles. Monumental et vibrant, le paysage de notre gouache est par sa forme complètement néo-classique : la représentation de la végétation y est précise et minutieuse et le paysage accueille une scène antiquisante, ce qui le rattache à la tradition du paysage historique promu par l’Académie. Néanmoins, le sentiment d’une nature grandiose, frissonnante et sensible, déjà présent dans les œuvres de sa jeunesse à Sallanches, est presque préromantique. Quant au choix de la scène représentée, celles du cortège de Silène et plus haut, autour du temple, d’une foule en pleine bacchanale, il montre que ce n’est pas à l’antiquité sérieuse que se réfère le peintre mais plutôt une antiquité fantasque et dionysiaque.