Picasso

Pablo

Malaga 1881 — Mougins 1973

Combat de satyre et de centaure

Encre de chine sur papier.
Signé Picasso au crayon rouge en bas à gauche ;
localisé et daté Golfe-Juan 23 Août 46 en haut à gauche.
502 x 657 mm (19 3/4 x 25 7/8 in.)

Provenance

Galerie Louise Leiris, Paris ; collection privée, Suisse.

Bibliographie

C. Zervos, Pablo Picasso. Œuvres de 1944 à 1946, vol. XIV, Paris, 1986, n° 214, p. 97; E. Mallen, Online Picasso project, Comprehensive catalogue raisonné, 1946, OPP 46:510.

Exécuté le 23 août 1946 à Golfe-Juan ce dessin se rattache l’une des périodes les plus sereines de la vie de Picasso quand, à partir de 1945, avec la paix retrouvée, il renoue avec la Méditerranée qui l’avait tant inspiré avant la guerre. Il séjourne régulièrement à Golfe-Juan, sur la Côte d’Azur ou French Riviera. Il y mène une relation paisible et heureuse avec Françoise Gilot qu’il a récemment rencontrée et son art se teinte d’un sens nouveau de sérénité et de bonne humeur. Les légendes antiques de la mer Méditerranée nourrissent à nouveau son inspiration et les monstres des années de la guerre cèdent la place aux créatures mythologiques, nymphes, centaures, satyres, dont il imagine des combats plus drolatiques que féroces, toujours traités avec son habituel sens de la ligne et de la composition.

D’autres dessins réalisés le 21 et 22 août, c’est à dire, comme les nôtres, en plein été, témoignent de son intérêt pour le sujet des combats de centaures et de satyres ou de faunes : « C’est curieux ; à Paris je n’ai jamais dessiné de faunes, de centaures ou de héros mythologiques comme ceux-ci ; on dirait qu’ils ne vivent qu’ici ». Construites à partir de figures géométriques, ses figures occupent l’espace de la feuille avec humour : les triangles, les cercles, les rectangles, parfois tracés sur des aplats de couleurs, forment ces créatures aux visages expressifs.

La composition de ces feuilles de grandes dimensions rappelle celles des reliefs antiques sur les sarcophages par exemple, mais aussi des peintures sur vases. L’artiste traitera aussi ces sujets en céramique, revisitant ainsi les chefs d’œuvres de l’antiquité. C’est une vision idéalisée de la Grèce qui vient l’apaiser après les années sombres de la Seconde Guerre Mondiale – la référence à un monde arcadien, classique, rassurant, bien que lui-même non dénué de ses épisodes de violence. Mais c’est une violence mythologique, distanciée, à laquelle Picasso se réfère ici, dans un geste presque cathartique.

Sa relation conflictuelle avec Dora Maar a pu également être considérée comme une source d’inspiration pour ces scènes de combat – celle-ci avait une force et une personnalité que Picasso a parfois assimilées à la Guerre elle-même. La feuille du 22 août notamment représente un centaure contre un faune dont le genre ambigu lui a parfois valu d’être assimilé à une faunesse et donc à Dora Maar.

Pour Michael FitzGerald cependant, François Gilot, elle-même d’ailleurs une excellente cavalière, reste la source principale d’inspiration pour cette série : « Pendant le reste de l’année 1946, Picasso élabore les confrontations imaginaires et réelles entre lui et Françoise, mais leur relation est de plus en plus absorbée dans des thèmes plus larges. En août, il fait une série de dessins qui représentent une bataille entre un faune et un centaure et se termine avec le faune debout sur son ennemi. Cependant Picasso propose immédiatement une alternative : la série reprend avec la résurrection du centaure, devenue une femme magnifique, que le faune joyeux rejoint dans sa danse. La femme a les traits de Françoise et le signe astrologique de Françoise, sagittaire, la relie aussi au centaure »1.

Un certificat d’authenticité de la Galerie Louise Leiris en date du 2 avril 2004 accompagne cette œuvre.

  1. Michael FitzGerald, “A Triangle of Ambitions: Art, Politics, and Family during the Postwar Years with Françoise Gilot” in Picasso and Portraiture, Representation and Transformation, exh. cat., New York, The Museum of Modern Art, 1996, p. 424.