Dieu

Antoine

Paris 1662 — 1727

Neptune sur son char (recto);
Étude pour la figure de Neptune (verso)

Plume et encre brune sur traits de sanguine, lavis gris.
Traits d’encadrements à l’encre brune. Piqué pour le transfert (recto) ;
sanguine, numéroté 624, N3271 et 5484 dans un cercle au crayon (verso).
204 x 302 mm (8 x 11 1516 in.)

Provenance

Kurt Klempereur (1908 – 1980; Lugt 5268, au verso).

C’est un jugement sévère que portait Mariette sur Antoine Dieu dans son Abecedario: avec ses« dessins jetés dans le même moule », il n’aurait été qu’un« praticien et rien davantage », qui « avait coutume de donner à ses figures des proportions fort allongées » et « qui tenait une boutique de tableaux sur le Petit-Pont ». Avec l’article pionnier de Pierre Rosenberg1, des progrès ont été faits dans l’étude de l’œuvre de cet artiste plus dessinateur en effet que peintre, « avant tout un concepteur d’image » ainsi que le définit Marianne Paunet dans une étude plus récente de ses dessins2 mettant en exergue les liens riches qu’il entretient avec le monde de l’estampe. L’artiste a en effet largement contribué, par ses nombreuses collaborations avec les graveurs, à enrichir l’imagerie de cette période si portée sur l’usage de l’allégorie. Il a aussi par la vivacité et l’inventivité de ses compositions participé à l’évolution du style vers une liberté et une expressivité nouvelles au début du XVIIIe siècle.

Bien que peu de ses peintures aient survécu, Dieu remporte le grand prix de l’académie en 1686 avec L’Entrée de Noé, de sa famille et des animaux dans l’arche, une œuvre qui a aujourd’hui disparu. Entre 1700 et 1708, il est présent à Versailles et participe à plusieurs travaux, notamment l’exécution des vitraux de la chapelle royale avec Nicolas Bertin et Joseph Christophe. En 1710, il reçoit commande de cartons de tapisserie pour la tenture de L’Histoire du roi : La naissance du duc de Bourgogne le 6 août 1682 et Le mariage de Louis de France, Duc de Bourgogne, et de Marie-Adélaïde de Savoie le 7 décembre 1697, tous deux conservés à Versailles. Marchand de tableaux comme le signale Mariette, Dieu possède une boutique sur le Petit-Pont, Au grand monarque. En 1718, pour se consacrer à sa production artistique, il la vend à Edmé-François Gersaint qui en conservera le nom et commandera à Watteau la fameuse enseigne.

Dieu travaille aux décors du ballet des Éléments joué au palais des Tuileries les 22 et 31 décembre 1721. Il est reçu à l’Académie Royale de peinture et de Sculpture en 1722 avec La Bataille d’Hannibal au Lac de Trasimène (Paris, Musée du Louvre) sans avoir été agréé auparavant. Professeur-adjoint de l’Académie en 1724, il participe au concours de peinture d’histoire organisé en 1727 par le duc d’Antin avec Horatius Coclès défendant le pont Milvius pour lequel il existe au moins deux études de composition, mais meurt avant de connaître les résultats.

Le char de Neptune est un sujet que l’on retrouve souvent traité en gravure, comme par Jean Lepautre3 par exemple, graveur contemporain et souvent collaborateur d’Antoine Dieu. Mais les piqüres laissent penser qu’il pourrait plutôt s’agir d’un projet de tapisserie ou de broderie, qui n’a pourtant probablement pas été exécuté puisque le poncife n’a pas été rougi ni noirci au verso. On sait que Dieu participa parfois à des projets de tapisserie et produisit des cartons pour des tentures célèbres ; celle de L’Histoire du Roi par exemple, mais aussi Narcisse et Écho pour la tenture des Métamorphoses tissée aux Gobelins.

La technique graphique qui combine la sanguine à l’encre et au lavis est typique de Dieu, dessinateur exubérant qui aime associer différentes techniques de dessin pour un résultat pictural et intense. Le trait ourlé avec lequel il définit chevelures, vagues, crinière est tout à fait caractéristique de son faire, comme le sont les musculatures prononcées de ses personnages. Ce dessin inédit jusqu’à aujourd’hui est un bel ajout au corpus de ses œuvres graphiques.

  1. P. Rosenberg, « Dieu as Draughtsman », Master Drawings, volume 17, n° 2, 1979, p. 161-169.
  2. M. Paunet, « Antoine Dieu », Cahiers du dessin français, n° 20, Paris, De Bayser SARL éditeur, 2018, p. 5.
  3. M. Préaud, Inventaire du Fonds Français, graveurs du XVIIe siècle, tome 12, deuxième partie, Jean Lepautre, BNF, n° 1542 et 1581.