Canuti
Domenico Maria
Bologne 1625 — 1684
Portrait d’un jeune garçon (recto);
étude d’homme nu (verso)
Sanguine, estompe.
Inscrit Gio. Francesci Barbieri detto Il Guercino da Cento à l’encre brune au verso.
293 x 217 mm (11 1⁄2 x 8 9⁄16 in.)
Provenance
John B. Skippe (1742 – 1811 ; Lugt 1529a) ; par héritage à Mrs A. C. Rayner-Wood ; E. Holland Martin ; Christie’s 20 novembre 1958, lot 95, planche 15, comme Domenico Fetti ; collection privée.
Exhibition of Seventeenth Century Art in Europe, Londres, Royal Academy, 3 janvier 1938 – 12 mars 1938, p. 157, n° 439, comme Domenico Fetti, prêté par Mrs Rayner-Wood.
Cette brillante étude sur le vif d’un jeune homme la tête reposant sur la main, comme s’il dormait, lisait, ou comme s’il rêvait, se rattache à la tradition bolonaise des dessins d’après le quotidien, démarche nouvelle mise en place par les Carrache à la fin du XVIe siècle. Fondateur d’une révolution naturaliste à Bologne, ce nouveau rapport au dessin et au naturel sera adopté par les élèves et les suiveurs des Carrache, dont Guido Reni, l’un des maîtres de Domenico Maria Canuti. Ce dernier se familiarise donc dès sa formation à cette façon de dessiner le monde et ses détails du quotidien afin de produire une peinture plus crédible, plus proche des hommes et de la réalité.
Après un passage chez Giovanni Andrea Sirani, Canuti se rend à Rome où il rencontre Francesco Albani, dit l’Albane, et Giovanni Lanfranco et où il reste au moins jusqu’à la fin de l’année 1651. Après son retour à Bologne, il fait un séjour à Mantoue où il peint une série de six toiles sur la vie de saint Bernardo Tolomeoi à l’église San Benedetto Novello. Il devient rapidement un brillant peintre de fresques décoratives et sa maîtrise du dessin d’anatomie lui permet d’exécuter avec aisance les raccourcis hardis, les figures vues da sotto in su qui peuplent ses plafonds, à l’exemple des fresques du salon du Palais Pepoli, au Palais Calzolari avec le Triomphe de Bacchus et Ariane ou à la bibliothèque de San Michele in Bosco, parmi d’autres.
L’ancienne attribution de cette feuille à Domenico Fetti n’est pas incompréhensible. D’une part, une grande partie des dessins de la collection Skippe étaient réputés avoir été achetés à Venise et ont donc été attribués à des artistes vénitiens, parfois à tort. D’autre part, le motif d’un visage appuyé sur une main apparait à plusieurs reprises et sous plusieurs formes dans la peinture de Fetti. Mais ses dessins sont rares et rien dans le groupe de ceux qui lui sont solidement attribués ne permet d’établir une comparaison concluante avec cette feuille.
C’est Nicholas Turner qui le premier a rendu cette feuille à son auteur, Canuti, en découvrant son verso et en le comparant aux anatomies masculines de Canuti, comme celle d’une Étude d’un homme nu assis dans la collection Gere1. L’anatomie masculine étudiée rapidement est en effet caractéristique de Canuti avec ses formes enflées et sa position outrée qui montre aussi l’influence de Rubens sur l’artiste. Elle pourrait être préparatoire à l’un des ignudi peint autour de L’Apothéose d’Hercule sur le plafond du salon du Palais Pepoli à Bologne en 1669-1670. L’artiste étudie deux positions possibles de la tête, l’une penchée vers l’avant, l’autre tournée vers la droite.
Quant au recto, il y a peu de feuille véritablement comparable sur le plan du sujet mais la manière graphique est, en effet, bien reconnaissable : une sanguine moelleuse, une belle maîtrise de l’estompe, des traits de contours repassés plusieurs fois et doublés d’estompe par endroit. La physionomie du jeune homme se retrouve dans certaines figures des tableaux de Canuti, par exemple le jeune garçon au premier plan du Martyre de Sainte Christine à Bologne, Chiesa di Santa Cristina. Une étude d’homme coiffé d’un turban conservée au château Fachsenfeld peut être comparée à la nôtre, elle est reliée à un Portrait d’un homme en turban (collection privée) datée autour de 1672 par Simonetta Stagni dans sa monographie destinée à l’artiste. Cette feuille n’a cependant pas le charme de la nôtre dont la poésie est intemporelle.
- Italian drawings of the 17th century in English private collections, Edinburgh, 1972, n° 17, pl. 57