Allongé
Auguste
Paris 1833 — Bourron Marlotte 1898
Vue de la forêt de Fontainebleau
Aquarelle et gouache sur légers traits de graphite.
Signé en bas à gauche Allongé.
785 x 560 mm (30 15⁄16 x 22 1⁄16 in.)
« Auteur aimé d’une foule d’œuvres exquises, d’un accent singulièrement personnel, et d’une vérité d’impression qui frappe même les indifférents, Auguste Allongé est un de ces artistes aujourd’hui en possession de la faveur publique, et dont les dessins font prime comme les tableaux des maîtres les plus incontestés du paysage : c’est que lui aussi est un maître ! » écrit en 1881 le journaliste et romancier, grand ami de Gustave Doré, Louis Enault1, à propos de celui qui fut un paysagiste prolifique, et l’un des artistes emblématiques de la forêt de Fontainebleau.
Élève de Léon Cogniet à l’École impériale des beaux-arts mais également de Louis-Joseph Ducornet, Allongé se détourne rapidement de la peinture d’histoire pour se spécialiser dans le paysage. C’est d’abord le fusain qui l’intéresse et il y consacre même un traité en 1873. Il aime alors à travailler sur les valeurs plus que sur les couleurs au point que Louis Enault écrit en 1882 qu’il est, avec Maxime Lalanne, l’un des « rois du fusain »2. Ses paysages colorés, à l’huile sur toile comme à l’aquarelle, connaissent pourtant un immense succès de son vivant et continuent à fasciner. Il acquiert rapidement une maîtrise extraordinaire de l’aquarelle. Ses œuvres dans cette technique connaissent un grand succès et demeurent aujourd’hui très appréciées, pour leur réalisme à la fois photographique et poétique, leurs couleurs éclatantes et joyeuses, leur sens admirable d’une nature vivante, comme en témoigne cette vue aux dimensions peu communes et à la fraicheur spectaculaire.
Artiste emblématique de la forêt de Fontainebleau, Allongé peint régulièrement dans les environs de Marlotte, où se sont installés dès la Seconde Restauration des communautés d’artistes en quête de lieux d’habitation abordables et proches de la forêt. Ce que Gérald Schur a appelé « le groupe de Marlotte » réunit dans ce lieu protégé du vent, aux logements moins chers et à l’ambiance sympathique, les premiers peintres à vouloir travailler au cœur de la forêt de Fontainebleau, en pleine nature, parmi lesquels Alexandre Louis Barye, Jacques Raymond Brascassat, Théodore Caruelle d’Aligny, Jean-Baptiste Corot, Alexandre Gabriel Descamps, Narcisse Diaz de la Pena, Paul Huet, Achille Etna Michallon et Théodore Rousseau. À partir des années 1860, ce sont Sisley, Renoir, Monet, Cézanne, Pissarro, Bazille etc qui se retrouvent à Marlotte, dans deux auberges fameuses du village, l’auberge Saccault et l’auberge de la mère Antony. Les écrivains parisiens aiment aussi y séjourner, à la suite d’Henry Murger, auteur de « Scènes de la vie de bohème ». C’est ainsi que Théophile Gautier, Alfred et Paul de Musset, Théodore de Bainville se rendent régulièrement à Marlotte. C’est à l’auberge Anthony que Zola écrit L’Assommoir. Dans le sillage de ces artistes et écrivains célèbres, des paysagistes moins célèbres aujourd’hui mais alors très appréciés, comme Auguste Allongé, mais encore Eugène Ciceri ou Armand Point, vont s’y installer. Auguste Allongé dont l’atelier principal se trouve à Paris, ne se contente pas de peindre à Marlotte mais voyage dans toute la France et peint ses paysages variés.
Dessinateur extrêmement fécond, Allongé a laissé un œuvre graphique de taille. Cette aquarelle, qui se distingue cependant par ses dimensions exceptionnellement importantes, la fraicheur de ses couleurs et la spontanéité de sa composition, constitue le meilleur témoignage possible du talent de son auteur.
- L. Enault, Paris-Salon 1881, Paris, E. Bernard et Cie, 1881.
- L. Enault, Paris-Salon 1882, Paris, E. Bernard et Cie p.13.